Guilloux : l'exigence de la vérité et la simplicité pour le dire

Paru en septembre dans la collection Quarto de Gallimard, D'une guerre l'autre est un recueil de sept romans et récits de Louis Guilloux organisé autour des deux guerres mondiales.

Ami de Camus, Gide ou André Malraux qui reconnaissaient en lui un des plus grands auteurs français, Louis Guilloux bizarrement reste assez méconnu du public. Pourtant il a écrit plus d'une vingtaine de titres entre 1927 et 1980 l'année de sa mort et a reçu des prix tels que le Renaudot, le grand Prix de littérature de l'Académie française ou le grand Prix national des Lettres pour l'ensemble de son œuvre. 

Un problème de santé éloignera le jeune Guilloux du destin tout tracé que réservent les origines pour celui de l'étude puis très vite de l'écriture. Fils d'un cordonnier militant socialiste, sans jamais s'illusionner, l'auteur cultivera son regard d'homme simple aux prises avec le spectacle permanent de l'injustice.

Son roman Le Sang noir est "un monument". Il se déroule en province pendant la première guerre mondiale et François Merlin, affublé du sobriquet Cripure, en est le personnage principal. Un professeur en colère que le chagrin d'une rupture consume et qui ne parvient pas à "un regard calme sur lui-même et sur le monde".

"S'il ne s'agissait que de nettoyer la terre de toute cette bande d'aigrefins et de ganaches, de vidanger le monde de ces cloportes, il donnerait bien un coup de main. Mais qu'on ne vienne pas lui parler comme avait fait ce lieutenant, des conquêtes de l'homme sur lui-même. "Outreboufre, comme dirait le père Ubu, ça tout de même c'est trop rigolo ! Incomparables sornettes. Ma thèse est toute négative. Je détruis toute idole, et je n'ai pas de Dieu à mettre sur l'autel. Il faut avoir une bien piètre expérience de la vie pour oser croire à de pareilles foutaises. Les paradis humanitaires, les Edens sociologiques, hum ! Qu'il attende seulement d'avoir quarante ans, et d 'être fait cocu par la femme aimée. Ensuite, on en reparlera. Ah! là là. Dans ce monde, chacun se débrouille, chacun y est pour son compte, pour sa peau. Des conquêtes? Celles qu'on opère soi-même. Oui : être un loup."

La désolation causée par la guerre qui inscrit la ruine sur chaque chose, chaque visage, l'échec implacable de l'humanité rappellera à Cripure son lien avec le monde…

O.K., Joe ! aborde la seconde guerre mondiale sous un angle assez inhabituel. Guilloux  y relate sa participation comme interprète du tribunal militaire américain après l'arrivée des Alliés. Un tribunal qui juge des soldats américains ayant commis des crimes sur la population civile. Homicides, viols… les coupables sont toujours noirs et nombre d'entre eux ne reverront pas leur pays ! A cette époque, Louis Guilloux a déjà traduit Home to Harlem de Claude McKay rebaptisé Ghetto noir.

"Malgré la pitié que j'éprouvais pour les victimes, et aussi pour le coupable, qu'on allait pendre, je ne m'étais pas senti là à ma place."

La Maison du Peuple, Compagnons, Douze balles montées en breloques, Labyrinthe et L'herbe d'oubli sont les autres textes réunis dans ce Quarto (il faudra encore attendre pour le tome deux du Jeu de patience, toujours épuisé...).

-> D'une guerre l'autre, Louis Guilloux, Quarto chez Gallimard, 29€.
-> Voir le livre sur le site de l'éditeur.
-> La société des amis de Louis Guilloux.

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