La "père patrie", c'est celle du père de Nina Bunjevac, sauf qu'on ne sait plus s'il s'agit de la Serbie, de la Yougoslavie ou du Canada. Opposé à Tito (qui, bien que populaire, n'en restait pas moins un communiste peu enclin à accepter les dissensions), Peter Bunjevac fut contraint de quitter sa Yougoslavie natale pour s'exiler à Toronto. Ses jours en tant que nationaliste serbe étaient comptés, il préféra poursuivre ses activités répréhensibles à l'étranger.
Esseulé, il publie une annonce dans un journal serbe et sa future femme, la mère de Nina, vient le rejoindre à Toronto. Trois enfants plus tard, la situation est intenable pour elle : menacée par des attentats, elle a pris l'habitude de calfeutrer la chambre de ses enfants et de bloquer les fenêtres avec des meubles tous les soirs. Elle prend alors la décision de repartir en Yougoslavie, mais ce sera sans l'ainé que le père veut garder auprès de lui.
C'est cette histoire poignante que Nina Bunjevac, la cadette de la famille, tente de retracer dans cet album, partant à la recherche de l'histoire de sa famille, et surtout de celle de son père, cet inconnu qui plane sur sa vie depuis toujours.
C'est sous forme d'enquête graphique qu'elle y parvient, en utilisant des dessins en noir et blanc d'une précision quasi entomologiques qui semblent figés dans le temps, comme cette histoire dont le brouillard qui l'entoure se dissipera peu à peu au terme d'une enquête passionnante.
-> Fatherland, Nina Bunjevac, traduit par Ludivine Bouton-Kelly, éditions Ici Même, 24€.
-> Le site de l'éditeur.