Que c'est agréable de lire un livre de Marie-Sabine Roger. Elle sait s'emparer du quotidien comme personne, elle a toujours cet art de la formule, ce regard incisif qui vous fait frissonner de contentement. Marie-Sabine Roger raconte la vie de tous les jours à travers des héros disons habituels : le voisin de palier, la petite vieille du parc, une jeune à capuche que l'on croise tous les jours. Marie-Sabine Roger les incarne et les habite à tel point qu'on les reconnaît, qu'on les sent familiers.
Ici, elle s'empare d'un homme pas encore vieux - 67 ans- mais qui à la suite d'un accident, se retrouve immobilisé à l'hôpital. Occasion d'un retour sur soi, d'un bilan de vie et aussi d'une peinture très juste, et vous pouvez me croire, de la vie à l'hôpital ou en clinique.
Pas très joyeux me direz-vous, mais on sourit beaucoup (voir on rit beaucoup) devant les sorties délectable de ce grincheux réaliste. Et une vie, entremêlée d'un quotidien, s'expose petit à petit. Et des rencontres aussi. Et tout va bien ! Et que c'est bon !
Bref, un livre dont il serait dommage de se priver en ce début d'été rieur, une occasion à ne pas manquer de ré-humaniser notre quotidien.
" Les journées commencent tôt, six heures du matin, ce qui laisse du temps pour déprimer, ensuite. L'infirmière du matin pousse la porte d'un grand coup, comme un cow-boy entrant dans un saloon, allume le plafonnier qui me brûle les yeux, clame bonjouuuur ! d'une voix trop puissante pour mes oreilles ensommeillées et, sans attendre de savoir si je suis reveillé (mais je le suis, merci), elle contrôle ma tension et température.
J'ai droit à deux cachets blanc dont je ne connais ni le nom ni le rôle, puis elle complète le tableau accroché au pied de mon lit, éteint enfin le néon incendiaire, et sort - sans refermer la porte - en me souhaitant une bonne journée, mais sans aucune ironie de sa part.
Ensuite une des dames de service, toujours de bonne humeur, apporte le petit déjeûner, deux biscottes neurasthéniques, une dosette de confiture qui n'a pas dû croiser beaucoup de vrais fruits dans sa vie et un yaourt nature.
Invariablement, même si elle m'a déjà vu la veille ou l'avant-veille, elle demande :
- Qu'est-ce qu'il voudra, ce monsieur, ce matin ?
Sortir d'ici, bon dieu, sortir !
- ... du café, du thé, du lait ?
Elle ouvre les persiennes, tapotte mon oreiller, pose le plateau un peu trop loin, ce qui m'oblige à des contorsions douloureuses interdites par mon chirurgien." (extrait page 15)
Ça s'appelle peut-être "tirer sur l'ambulance" mais que c'est drôle !!!
-> Bon rétablissement, Marie-Sabine Roger, Le Rouergue, 18,80 €.