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18 septembre 2010 6 18 /09 /septembre /2010 09:00

couv_duboucheron-copie-1.gifUn homme revient à Alger où il a passé ses premières années de jeune médecin. Il interroge ce que l'Algérie est devenue, la confronte avec ses souvenirs. Mais visiblement, il cherche quelque chose ou quelqu'un.

Puis les souvenirs déferlent et c'est une autre arrivée à Alger qu'il nous décrit, une arrivée dans les bottes du colonisateur : jeune homme, vingt ans et quelques, des idées que l'on n'arrive pas vraiment à définir sur cette position d'occupant. Plutôt contre en théorie mais se servant des ficelles, jouant avec l'administration française pour, si ce n'est obtenir ce qu'il veut, du moins réussir à mener sa barque en évitant les écueils.

Et il y a les femmes. Trois femmes vont traverser ce roman, trois femmes, piliers de l'évolution du narrateur, mais presque transparentes dans sa narration, comme s'il leur reniait toute importance dans sa vie.

Le récit est d'ailleurs très distancié, comme si la plongée dans ses années de jeunesse était maintenue à distance, une distance indispensable à l'évocation du souvenir, sans laquelle la douleur, la peine, et quelque fois l'horreur des événements ne saurait être racontée.

 

"Millard me souhaita le bonsoir et s'en fut avec sa Jeep et son chaouch. Je restai sous les étoiles parmi les bêlements et l'odeur de suint. Le cheikh m'enveloppa de sa philosophie, où les moralités pesamment banales le disputaient à la sagesse cynique de la tribu, lorsqu'une phrase me réveilla.

     "Seul Mohamed nous empêche de vous égorger tous."

      C'était un intéressant changement de ton.

     "Ah ! répliquai-je, et la sourate 113 ? " J'inventai le numéro, pensant à juste titre que mon interlocuteur ne les connaissait pas toutes, et que, n'étant ni marabout ni ouléma, il ne savait pas lire. "Celle qui prescrit de punir les infidèles de leur infidélité, précisai-je.

      - Le Prophète recommande de tout faire pour survivre afin de diffuser sa parole. Vous exterminer n'est pas la meilleure façon. Nous avons besoin de vous pour vous vaincre, comme les vers ont besoin du mouton pour se multiplier."

      Poussé par la curiosité et l'esprit de provocation, je ne risquais rien à l'encourager dans une vision radicale qui n'était pas entièrement opposée à la mienne. Tout bien considéré, les Arabes avaient le droit de reconquérir ce que nous leur avions volé, sans s'arrêter au Moyen-Orient, que nos divisions d'Occidentaux querelleurs avaient fait tomber comme une orange oubliée. Les trois pays d'Afrique du Nord suivraient, et pourquoi pas l'Espagne ? Non, non, je ne me moquais pas, nous étions entre nous sous les étoiles et le sceau du secret. Ils pouvaient vaincre sans combattre en mettant à profil notre infériorité numérique, notre indécision, l'aveuglement américain et la sympathie soviétique. L'esprit de trahison des français suffisait à justifier l'entreprise : pourquoi renoncer à la victoire quand l'ennemi désire être vaincu ? Notre refus de verser le sang les incitait à économiser le leur.

 

     Mon nihilisme de jeune parisien lui plut sans qu'il y comprît un mot, mais il jugea que j'allais trop loin.

     "Pourtant, c'est beau, la guerre. Si vous partez avant qu'on vous massacre, il n'y aura pas d'honneur puisqu'il n'y aura pas de vengeance. D'ailleurs l'armée française ne sera pas d'accord. Je connais bien l'armée française. J'ai servi dans celle qui vous a libérés. Les filles criaient : "Vivent les bicots" et embrassaient nos moustaches. Ah ! les petites Alsaciennes ! On les appelait les filles à Sidis. Cette armée là, mon ami, elle voudra rester ici. " Le cheikh voyait plus clair que moi. "On tuera les soldats français dans les montagnes et les civils dans les cafés des villes."

    Ce tableau d'avenir était séduisant, mais il y avait Elise. Je ne voulait pas qu'on la tue, ni dans un café ni ailleurs." p98-100

 

-> Salaam la France,Bernard du Boucheron, Ed. Gallimard, 16.90  

-> voir le livre sur le site de l'éditeur

-> Réserver le livre à la librairie du Parc : 01 42 38 37 52.

 

PS : et nous vous recommandons fortement la lecture du premier roman de Bernard du Boucheron, Court serpent, sorti en format poche chez Folio.  Il s'agit d'une sorte de roman historique où une expedition est envoyée, au 17ème siècle, au pôle Nord pour retrouver une communauté chrétienne qui avait réussi à s'installer dans cette région hostile mais qui avait été oubliée pendant de nombreuses années... Ce court récit est un petit bijou, qui décrit la noirceur humaine de façon extraordinaire...

 

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