Quand ce livre est sorti il y un an, il a été un de nos coups de coeur. Alors, précipitez-vous : La porte des enfers est sorti en poche.
Après Le soleil des Scorta, Laurent Gaudé continue dans sa veine italienne et nous entraîne à Naples. Comme tous les jours, Matteo emmène son petit garçon
à l'école. Mais ce jour-là, tous les deux se retrouvent au milieu d'un règlement de compte, son fils prend une balle perdue et meurt. Sa femme lui impose alors un ultimatum : soit il tue
l'assassin, soit il va retrouver leur fils aux enfers pour le ramener (le personnage de la mère, en mater dolorosa lançant des imprécations au monde est vraiment impressionnant !
).
Mais une fois l'assassin retrouvé, impossible pour Matteo d'appuyer sur la gâchette... Alors pourquoi pas les enfers ?
Ses errances la nuit (il est taxi) l'amènent à rencontrer un curieux personnage, le professeur Provolone, un vieil érudit qui prétend connaître un accès menant aux enfers. Car en des temps reculés, le monde des hommes et celui des morts pouvaient communiquer par des portes disséminées un peu partout...
Alors Matteo descend aux enfers et c'est là que débute la partie fantastique du roman où Laurent Gaudé nous propose une vision originale du monde des enfers même si
elle reste inspirée des représentations traditionnelles. Mais surtout, cette histoire nous amène à penser à nos propres morts et à la façon de vivre avec le deuil. C'est peut-être en cela que ce
roman est fort car il arrive à nous toucher personnellement.
" Il faut traverser, dit l'ombre.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Matteo.
- Les buissons sanglants " répondit le curé.
Matteo était maintenant parvenu si près des arbustes qu'il pouvait voir pleinement cet entremêlement inextricable d'épines et de troncs noueux. Il fit un pas pour se frayer un chemin et les branches lui griffèrent la peau. Des petites entailles lui lacérèrent le visage, les jambes et le torse. (...) Çà et là, pendaient des bouts de chairs rouges qui gouttaient encore d'un sang sombre sur le sol. Matteo les regarda avec un air horrifié :
"Ce sont les lambeaux de chair des vivants, lui dit l'ombre de Mazerotti.
- Y a-t-il d'autres vivants qui sont venus ici avant moi ? demanda Matteo.
- Non, mais chaque mort, en disparaissant, emmène avec lui un peu des vivants qui l'entourent. (...) Mais pour ces morceaux de vivants, pour ces bouts sanguinolents, il est interdit de pénétrer plus avant dans le pays des morts. La barrière des buissons épineux les accroche et ils restent ici pour l'éternité. "
Matteo observa tout autour de lui. Les arbustes qui l'entouraient étaient plein de morceaux de viande. Ils pendaient lamentablement comme les offrandes que l'on
ferait à un dieu cannibale ou les restes puants d'un carnage. C'était donc là que finissait la partie des vivants frappés par le deuil."
-> La porte des enfers, Laurent Gaudé, Babel, 7.50€.