Loustal & Benacquista nous offre un album sur le thème de l'amour avec leur Amours insolentes. Pourquoi insolentes ? Parce que, plutôt que de nous parler d'amours malheureuses, les deux zigues ont préféré nous parler d'histoires d'amour qui se finissent bien, qui triomphent de la routine du couple ou d'autres embûches, et ça nous change des sempiternelles histoires d'amours qui finissent mal (en général ! pour reprendre la chanson des Rita... mais j'aime aussi beaucoup les amours tragiques!).

Toutes les facettes du couple actuelles sont explorées : hétéros, homos, échangistes, amants platoniques... On est touché, ému par ses variations, parfois caustiques mais très loin d'être cul-cul la praline, sur le thème du couple, sans compter le trait magnifique et inimitable de Loustal.

 Une phrase que j'aime beaucoup : "Puis Raphaël se lassa de Magali au moment même où elle prononça la phrase : Si on prend  les billets deux mois à l'avance, on a 40% de réduction."

-> Les amours insolentes, 17 variations sur le couple, Loustal & Benacquista, Casterman, 20€.

Architecte surdoué, Asterios Polyp vit à New-York. Un incendie dans son immeuble le contraint à partir, il décide alors de tout plaquer et se retrouve dans la petite ville d'Apogée, où il se fait embaucher dans le garage d'un certain Stiff Major. 

Des flash-backs nous expliquent pourquoi il en est arrivé là et surtout pourquoi il a perdu l'amour de sa vie, Hana.

Asterios était un grand coureur de jupons jusqu'à sa rencontre avec Hana, jeune artiste sculptrice, qu'il épousera. Pourtant, tout les oppose : autant Astérios est cynique, cartésien et sûr de lui, autant Hana est pleine de compassion et de sensibilité.

 L'opposition de leurs caractères est notamment rendue par le dessin de Mazzuccheli, et surtout pendant les scènes de  dispute : Asterios devient un personnage constitué de figures géométriques, tandis qu'Hana n'est que lignes et courbes.

Tout se passe bien jusqu'à la rencontre entre Hana et Willy Illium, chorégraphe imbu de lui-même qui souhaite l'embaucher pour les décors de son prochain spectacle.

C'est la haine immédiate entre Asterios et Illium. À cause de son travail, Hana en vient à consacrer plus de temps à Illium, ce qui mènera son couple à la rupture, car elle ne supporte plus le caractère d'Astérios...

Mais l'histoire d'amour n'est pas le seul élément important du roman. Il y a aussi le rapport qu'Asterios entretient avec son jumeau (qui est mort à sa naissance) et toutes ses théories architecturales, esthétiques...

J'ai entendu beaucoup de critiques crier au génie, que Mazzucchelli renouvelait complètement le genre du roman graphique. N'ayant pas une culture BD incroyable, je ne sais pas ci cela est vrai ou exagéré. En tout cas, dans cette BD, l'histoire et le dessin sont vraiment aussi importants l'un que l'autre et s'interpénètrent entièrement (et l'un ne prend pas le pas sur l'autre comme cela m'arrive assez souvent de le voir en BD : je trouve un trait magnifique mais une histoire bof ou le contraire)
Et à noter aussi : l'aspect très beau de l'objet, en papier recyclé (mais je ne sais pas  c'est la même chose pour la version américaine...)

Vous savez donc ce qui vous reste à faire !

-> Asterios Polyp, David Mazzucchelli, Casterman, 29.95€ 

-> Voir la BD sur le site de l'éditeur (où vous pouvez visualiser quelques pages ! )

Samedi dernier, comme j'avais deux heures à tuer en attendant la sortie du spectacle de Sidi Larbi Cherkaoui, et que tous les livres que je lisais me tombaient des mains, je me suis dit : Et si je me lisais quelques bandes dessinées ?

 J'ai donc pris dans ma besace Hugo Pratt, un gentilhomme de fortune et Nord, Nord-Est.

La première est un hommage à l'univers d'Hugo Pratt. Son auteur, Paolo Cossi, revient sur l'adolescence du Maître, qu'il a passée en partie en Éthiopie (son père était militaire, fervent adepte de Mussolini). Hommage réussi avec une bon mélange d'aventures, de fantastique et d'Histoire, comme savait le faire Hugo Pratt. Si vous êtes fan de Pratt, vous apprécierez tous  les clins d'oeil à différents albums du papa de Corto Maltese et pour les autres, cela vous donnera peut-être envie de les lire... En tout cas, c'est un plaisir de revoir ce cher Raspoutine, un de mes personnages préférés dans la série des Corto Maltese.

Nord, Nord-Est est un vrai petit bonheur !

François habite au nord, nord-est de Paris (ça dépend d'où l'on se place). Il décide d'emmener sa grand-mère, Marilou, faire une virée à Paname. Ils rencontrent Gilbert, un prof as du patin à glace, et des potes à lui, dans un bistro près de la gare du Nord. La balade se terminera au pied de la belle Tour Eiffel à attendre son illumination...

Je trouve que Gilles Tévessin a le chic pour illustrer les scènes de la vie urbaine (tout comme dans son précédent album, Un Taxi nommé Nadir, que je vous recommande aussi) en insérant des détails de la vie quotidienne, ou en choisissant des paysages pas très esthétiques comme par exemple les voies de chemin de fer couvertes de graffitis...  Curieusement, la ville qu'il montre est belle et paraît très humaine mais c'est aussi à cause des personnages.

Le petit plus, ce sont les dialogues, avec parfois des fulgurances qui vous hérissent le poil (et ça n'arrive pas souvent quand vous lisez une bande dessinée) :

"Il m'est arrivé quelquefois de danser dans la vie, mais toute seule.

- C'est mauvais, cette habitude que nous avons de refouler les larmes quand il faudrait les laisser couler. Des fois, elles remontent sans que nous sachions pourquoi. Et nous nous trompons, nous pleurons à côté. Il faut profiter de cette heure de tendresse, car, demain, nous serons sérieux et froid."

(lien vers quelques pages de l'album)

-> Hugo Pratt, un gentilhomme de fortune (volume 1 : visions africaines), Paolo Cossi, Vertige Graphic, 22€.

-> Nord, Nord-Est de Gilles Tévessin (illustrateur) et Thomas Gabison (scénario), Actes Sud BD, 19€. 

Je me suis accordée une petite pose BD et je vous conseille vivement la lecture de ces trois albums :

L'empoisonneuse s'inspire d'une histoire vraie, celle de Gesche Margarethe Gottfried. Surnommée l'Ange de Brême, elle fut accusée de quinze meurtres. Entre 1813 et 1827, elle empoisonna ses enfants, ses maris successifs et quelques ami(e)s à petites doses de beurre à souris, qu'elle cachait dans leur nourriture.

En 1831, une jeune femme arrive à Brême car son éditeur lui a commandé un livre de voyage sur la ville. Elle constate alors que la cité est en plein chambardement car dans quelques jours, l'Ange de Brême va être exécuté sur la place publique. Elle s'intéresse alors à l'histoire peu banale de cette femme et va s'attirer les foudres des personnes en charge du dossier. Car si tout le monde s'accorde à condamner les actes de Gesche, personne ne s'interroge sur ce  qui l' a poussée à commettre ces crimes... Quid des médecins qui n'ont jamais soupçonné d'empoisonnement malgré les symptômes répétitifs dans l'entourage de Gesche ? Quid des enquêteurs qui ont interrogé la jeune femme et  qui n'ont jamais évoqué sa folie ? (les minutes du procès ne furent accessible au public qu'à partir de 1985 ! )

Car accorder une importance à ses pulsions, à sa folie (et à sa souffrance manifeste), c'est lui accorder en quelque  sorte une âme, et " une femme n'est finalement rien d'autre qu'un degré intermédiaire entre l'enfant et l'homme, donc pas vraiment une personne, tout au plus un être immature..."

Cette histoire exprime bien les non-dits de la bonne société bourgeoise de l'époque et l'atmosphère étouffante qui en découle est encore plus soulignée par le dessin au crayonné en noir et blanc de Barbara Yelin.

La nouvelle bande dessinée d'Étienne Davodeau (en 2 volumes parus simultanément) est un portrait de Lulu, une femme qui en a marre. Suite à un énième entretien d'embauche raté, elle décide de ne pas rentrer à la maison rejoindre son mari Tanguy et ses enfants.

Elle erre sur la plage et rencontre Charles. C'est le coup de foudre immédiat. Charles vit dans un camping avec ses frères. Pendant quelques jours, Lulu vit une véritable idylle, juqu'à ce que Xavier, un ami parti à sa recherche à la demande de sa famille, la retrouve. Elle lui raconte alors son mal être, son couple fatigué...  Et Xavier la laisse repartir... Au fil des rencontres, Lulu fait un point sur sa vie et renaît !

Cette histoire m'a beaucoup touchée, et son humanité, la chaleur de ses personnages m'ont fait penser à certains films de Manuel Poirier comme Western, Les femmes et les enfants d'abord...

Pour finir, Sextape !

Cette BD met en scène Anja, véritable caricature de la star people internationale.

Elle a décidé de faire un break dans sa carrière de chanteuse et de s'installer dans une maison isolée en montagne, afin d'échapper aux rumeurs et surtout aux griffes de sa mère...

Un jour, son garde du corps surprend un jeune homme dans la propriété. Il s'agit de Will, un garçon du coin qui essayait de se renseigner sur l'identité de la nouvelle propriétaire des lieux. Il est chassé mais Anja demande alors à son gorille de retrouver le jeune homme et de lui proposer un étrange marché : Anja accepte de se laisser espionner, en échange, Will doit installer une caméra dans son propre salon afin que la vedette puisse l'observer à son tour... Troublé par la beauté de la jeune femme, Will accepte et ce petit jeu malsain va vite tourner à la catastrophe...

-> L'empoisonneuse, Peer Meter (scénario) et Barbara Yelin (dessin), L'an 2, 22€.

-> Lulu femme nue, Étienne Davodeau, Futuropolis, en 2 tomes, 16€ le tome.

-> Sextape, Thomas Cadène, Kstr, 16€.

Polza Mancini vient d'être arrêté par la police.
En garde à vue, il est interrogé sur le meurtre d'une femme qu'il a commis.
Il commence alors son histoire qui débute à la mort de son père. Après une nuit de beuverie suivant l'enterrement, il reçoit de plein fouet ce qu'il appelle le " blast", mot anglais intraduisible qui se rapporte à l'onde de choc d'une explosion, et qui l'emmènera vers les chemins de la marginalité et de la folie...
Une ambiance assez prenante et étouffante, des planches de dessins magnifiques, le nouveau Larcenet nous en met plein les mirettes et les neurones, vivement le second tome !

Blast t.1, de Manu Larcenet, éditions Dargaud,22€.

-> Voir Blast sur le site de l'éditeur.

-> Réserver le livre à la librairie : 01 42 38 37 52.

Lisa Mandel a recueilli les témoignages et anecdotes de parents ou amis, tous infirmier(e)s en hôpital psychiatrique. Le premier tome de la série HP, L'asile d'aliénés, se passe dans les années 70, charnières dans l'histoire de la psychiatrie.
Même si cette vision reste subjective, comme la dessinatrice le rappelle, elle n'en demeure pas moins une vision réelle de ce que pouvait être l'hôpital psychiatrique à cette époque : les infirmiers se débattent entre  des moyens minimes et des locaux insalubres, les "fous" sont  les oubliés de la société (et finalement, cela n'a pas trop changé...). L'inventaire, entre autres, des différentes thérapies utilisées - dont les fameux électrochocs -  pour soigner les malades est assez effrayant.

HPde Lisa Mandel, chez L'Association, 13€.