Ils errent à la bordure de l’enfance, au milieu de l’adolescence mais ne sont pas encore adultes. C’est pourquoi on ne peut pas les envoyer en prison.
Que faire des jeunes gens livrés à eux-mêmes, des délinquants, des vagabonds ?
Il arrive de se retrouver face à cette fâcheuse réponse qui résonne comme un aveu d’impuissance : « Les rassembler à l’écart de la société et les mater ».
Le nouveau roman jeunesse d’Ahmed Kalouaz est un roman historique, il s’attache à suivre le parcours du jeune Hippolyte qui fait l’expérience en 1855 de la colonie agricole. Derrière cette appellation qui pourrait laisser supposer l’apprentissage de la paysannerie (c’est d’ailleurs ce que certifie le juge après une parodie de procès qui serait particulièrement au goût de Kafka) se cache un bagne où les enfants vivent dans des conditions inhumaines et meurent anonymement.
Heureusement qu’Hippolyte est un jeune homme solide et plein de compassion, ce qui lui permet d’aborder ce pénitencier avec l’envie de rétablir la justice et une faim dévorante de liberté.
Tout en s’efforçant de protéger le jeune Julien, intégré à la colonie le même jour que lui, le narrateur endurera faim, froid, cachot et surtout brimades haineuses de la part de ses gardiens.
Ce sujet grave n’empêche pas Kalouaz de dresser un portrait touchant de la vie de cette communauté de garçons se partageant entre stratégies de survie et camaraderie.
-> Les sauvageons, Ahmed Kalouaz, éditions Rouergue, 10,20€, à partir de 12-13 ans.
Même problématique, même incarcération injuste dans un camp de travail pour adolescents, mais différente époque et différent pays, et surtout changement radical de ton.
Nous sommes cette fois de nos jours aux États-Unis, le héros du livre au nom palindromique de Stanley Yelnats a pour principale caractéristique de ne pas avoir de chance. Suite à un malheureux concours de circonstances au cours duquel il est déclaré coupable d'avoir volé une mythique et puante paire de baskets usagées, il est envoyé en camp de travail. Et si l'on retrouve dans le camp sensiblement les mêmes éléments censés forger le caractère que dans le livre précédent, l'expérience est évoquée d'un point de vue drolatique, ce qui ne fait qu'amplifier la critique sous-jacente.
Ainsi que le proclame régulièrement Mr. Monsieur le gardien, « on n’est pas chez les girl scouts ici ». C'est pourquoi chaque jour les garçons devrons creuser un trou d'1 mètre 50 de diamètre et 1 mètre 50 de profondeur dans le désert et n'auront droit qu'à 4 minutes de douche glacée.
Le souffle de l'aventure prend alors le relais, car on se doute vite que ce n'est pas en vain que le mystérieux directeur exige ces fameux trous. En tous cas une chose est sure, la mésaventure de Stanley est à mettre sur le compte de son satané ancêtre voleur de cochons qui a provoqué la malédiction d'une gitane sur tous les Yelnats.
Un livre réjouissant qui boucle la boucle.
-> Le passage, Louis Sachar, éditions Ecole des Loisirs, 9€, à partir de 12 ans.