Le nouveau roman de Yoko Ogawa commence de manière plutôt sombre : huit touristes japonais sont pris en otages dans un pays étranger où ils étaient partis en voyage. Une ONG a réussi à introduire un enregistreur dans le lieu de leur détention. Mais l'assaut donné par une brigade antiterroriste tourne mal et tous les otages sont tués. Ne restent alors que ces témoignages enregistrés par ces huit personnes, qui se racontent à travers un souvenir particulier.
Huit otages, huit histoires, autant d'univers étranges : comme celui de la salle des propos informels B où ont lieu des réunions plutôt spéciales (par exemple, la réunion des "amis venant au secours des langues en situation critique"), ou ce grand-père qui vend des peluches bizarroïdes en forme de cafard, de scolopendre ou de chauve souris...
Quand on lit un roman de Yoko Ogawa, on entre toujours dans une autre dimension, un peu hors du temps, et Les lectures des otages ne déroge pas à cette règle. C'est entre autres ce qui rend l'univers littéraire de cet auteur si unique et si reconnaissable entre tous.
« En gros, j'étais satisfait de ce travail. Il m'arrivait souvent de ne parler à personne de toute la journée, mais je ne trouvais pas cela triste. Tous les jours je prenais le même train afin de pointer à huit heures cinquante. À midi, quarante-cinq minutes, et à trois heures de l'après-midi quinze minutes de pause, à cinq heures j'arrêtais mon travail. Lors des heures supplémentaires, ce qui arrivait deux ou trois fois par mois, tout en mangeant des pains au chocolat achetés à la cantine des étudiants, je faisais de mon mieux pour me concentrer jusqu'au milieu de la nuit. Sans faire de détours, je rentrais directement à mon appartement (en passant devant la salle des réunions publiques) et les jours de congé je visitais le Muséum d'histoire naturelle. Le jour où je recevais mon salaire, je me payais le luxe d'une visite à la clinique d'acupuncture et de moxa, où je choisissais le parcours spécial pour délasser ma fatigue oculaire et mentale. Le soir venu je buvais un peu de whisky en regardant les fenêtres des appartements d'en face dans la cour. Je contemplais distraitement les silhouettes qui se reflétaient furtivement sur les rideaux.
C'était cela, ma vie.» (extrait page 64)
-> Les lectures des otages, Yoko Ogawa, Actes Sud, 20€.