Jean-Christophe Rufin revient à sa veine historique avec ce roman sur la vie de Jacques Coeur, qui fut le grand argentier du roi Charles VII.
D'abord, grand argentier, ça veut dire quoi ? En gros, cela consiste à frapper la monnaie, mais Jacques Coeur ira bien au-delà de ce rôle. Grâce à son réseau de comptoirs dans tout l'orient, il pourvoit en biens luxueux la cour royale qui en est très friande, et il acquiert ainsi une immense fortune, ce qui lui permettra de financer le roi dans ses entreprises guerrières.
Pourquoi cet intérêt pour Jacques Coeur, me direz-vous. En fait, comme l'auteur l'explique à la fin de son ouvrage, il est originaire de Bourges, la ville natale de Jacques Coeur, et l'histoire de cet homme a bercé l'enfance de Rufin.
Il faut dire que sa vie fut passionnante, et qu'elle constitue une trame idéale pour laisser aller son imagination, ce que n'a pas manqué de faire l'écrivain, mais avec le talent pour nous faire croire que l'histoire pourrait être vraie...
C'est un roman de facture classique : le narrateur, Jacques Coeur, raconte son histoire au déclin de sa vie. Il a eu de nombreux ennemis, et parmi les premiers, le roi lui-même, jaloux de sa fortune et de ses succès. Personnage ambigu, Charles VII accède au pouvoir, grâce, entre autres, à Jeanne d'Arc, qu'il ne sauvera pourtant pas des griffes anglaises... Falot d'apparence, cet homme sait utiliser ses faiblesses pour attirer les personnes qui lui seront les plus utiles et Jacques Coeur en fait partie. Mais Coeur a aussi eu des amis, notamment Agnès Sorel, la maîtresse du roi, qui deviendra le grand amour de sa vie.
J'ai beaucoup apprécié la façon dont Rufin a construit son personnage. Contrairement aux apparences, Coeur n'est pas mené par l'argent mais par ses rêves. Il rêve d'ailleurs et cet ailleurs va prendre forme pendant son enfance quand un vieux gitan va lui montrer un léopard, récupéré par je ne sais quel moyen. Et c'est ce léopard qui va mener Coeur jusqu'en orient, bien des années plus tard... Mais sous le poids des richesses et des responsabilités, il en vient presque à oublier sa véritable nature, et c'est seulement sa décadence qui lui fera ouvrir les yeux et lui rendra la sérénité. C'est aussi un visionnaire sans le savoir : il pressent la fin de la féodalité et qu'une société nouvelle est en train de naître.
Rufin a voulu rendre hommage à ce personnage et ce roman est très réussi, vous serez certainement embarqués comme moi j'ai pu l'être pendant ma lecture : Le grand Coeur est donc impérativement à mettre dans vos valises pour cet été !
-> Le grand coeur, Jean-Christophe Rufin, éditions Gallimard, 22.50 €.