Comme des trains dans la nuit est un recueil de quatre nouvelles pour les adolescents. Ces histoires mettent à chaque fois en scène des duos.
La nouvelle intitulée Comme des trains dans la nuit (ma préférée) est une histoire d'amitié entre le narrateur, fils d'un
agriculteur-éleveur et Ryan. Tous les deux sont élèves dans un LEP et suivent des cours de mécanique. Devenus amis, ils partagent la musique, les joints, les rêves et une certaine envie de
s'évader... Prisonniers d'un avenir qui leur semble déjà tracé, ils vont commencer à devenir des pyromanes, "s'amusant" à faire brûler les exploitations agricoles des environs. Et bien-sûr, tout
cela va mal se finir...
"Dans sa 205 qui puait le vieux mégot, avec des sièges en jean troués, il y avait un vieil autoradio. Je lui ai demandé si ça fonctionnait. Comme il a rien dit, j'ai tourné le bouton, pour voir. J'ai galéré pour trouver une station, ça grésillait. Et puis tout à coup j'ai capté le début d'une chanson. Bien net, impec. C'était du reggae. Même sans être fan, on pouvait pas se tromper : batterie régulière, petit slam de guitare, pépère. J'ai poussé le son, à fond. Could you be loved, Bob Marley.
Le soleil entrait à travers le pare-brise dégueulasse. On avait chaud. J'ai baissé ma vitre, un petit vent est entré, très doux. Ça commençait à sentir le printemps. La chanson faisiat le même effet que le soleil. Je me sentais bien.
Ryan s'est mis à chanter en même temps : "Don't let them fool you, or even try to school you..." J'ai trouvé qu'il avait un bon accent. Pour la première fois, j'ai osé lui demander :
- Ryan, ça vient d'où, comme prénom ? C'est anglais ?
- Gros teubé. tu trouves que j'ai une tête de Rosbiff ?
On était arrêtés à un feu rouge. Ryan s'est tourné vers moi. Il tirait vraiment une sale tronche, ce jour-là. Pourtant en me regardant il s'est mis à sourire, avec sa drôle de moitié de sourire, comme si tout un côté de sa bouche était tiré par un hameçon, ça lui faisait une gueule de poisson, ou la tronche de Joker dans Batman. Et puis il s'est marré franchement.
- Putain, faut que tu sortes de Planète Bouse. Sérieux. Tu sais pas reconnaître un rebeu quand t'en vois un ?
Le feu est passé au vert, il a redémarré."
Loin des hommes est le récit le plus lumineux de ce recueil : il s'agit de l'histoire d'amour entre Naïma et Tom, camarades de classe depuis la maternelle. Tom a décidé de déclarer sa flamme !
Nirvana se passe à Londres, où deux jeunes marginaux apprennent la mort de leur Dieu, Kurt Cobain. Leur douleur va les amener dans un musée où ils vont être confrontés à un véritable choc...
" Ce qu'on écoutait, comme musique, c'était plus que de la musique, à vrai dire : c'était la vie. Quand on est arrivés à Londres en 1991, Nevermind venait de sortir. On se nourrissait de ça. Cet album, c'était notre pain, notre eau, notre sang.
Ça faisait partie des choses que je ne pourrai jamais expliquer. Comment ça rentrait dans le sang, comment ça devenait nous, comment ça touchait quelque chose au plus profond, quelque chose d'enfoui. Quelque chose de l'ordre des cauchemars d'enfant, quand tu fermes les yeux dans le noir de toutes tes forces pour que ça s'arrête - et que ça continue malgré tout, plus moyen de fermer les yeux, le voile est arraché, la peau enlevée, derière tu vois la Vérité, la seule, - et le nounours serré contre ta poitrine devient dérisoire, parce que cette fois ça y est, t'as compris ce que le monde te cache depuis que tu es né, t'as entrevu la fin, l'os, le noyau, le fil sur lequel on tient, le vide sous tes pieds et t'es prêt à crier : on va crever, on va creve ! Oh putain, on va crever !
Il y avait de ça dans les chansons de Cobain. On avait ça dans le sang, dans la mémoire, dans le souvenir, il nous le mettait en forme juste pour qu'on puisse se l'échanger, de lui à nous. Il nous donnait des chansons pour qu'on ait enfin quelque chose."
Le dernier récit, La Forge, se passe un peu avant mai 68. Un jeune garçon parle des ses relations chaotiques avec sa famille, de sa
cousine, et va lever un secret de famille.. La seule issue : la fuite.
Ce qui unit toutes ces histoires : cette envie de liberté dont rêvent les adolescents. Anne Percin a vraiment réussi à décrire toutes les émotions qui peuvent traverser cette période particulière qu'est l'adolescence. Chaque récit possède une voix différente, avec un style qui lui colle à la peau. Même si l'adolescence est assez loin de moi maintenant, je me suis sentie très proches de ces personnages qui ne peuvent pas laisser indifférents et qui nous rappelent notre propre adolescence...
-> Comme des trains dans la nuit, Anne Percin, collection DoAdo, Le Rouergue, 9.50€, à partir de 13 ans.
-> à lire aussi, cet autre roman d'Anne Percin : Bonheur Fantôme (lire l'article).